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De la grisaille anglaise à la majesté de la Bolivie : rencontre avec Thibaut

Salut les jeunes ! Aujourd’hui, on va partir en Angleterre puis en Amérique du Sud avec Thibaut, 30 ans, originaire de Provence, professeur de tennis dans le civil, et lecteur de mon livre « Offrez vous une vie de voyages« . On a échangé quelques mails suite à la lecture du livre, et j’ai trouvé son parcours passionnant. Du coup, je lui ai proposé d’en parler plus en détail dans une interview, ce qu’il a accepté avec enthousiasme ! Je vous laisse découvrir :

-> Thibaut, qu’est ce qui t’a décidé à tout quitter pour partir à l’étranger ? A quel moment tu as commencé à sentir le déclic, ce besoin de changer de vie ?

J’ai quitté la France en Septembre 2011 (j’avais donc 28 ans). Depuis 3 ou 4 ans avant ce moment, j’allais de temps en temps en Angleterre pour voir des matches de foot, j’avais des amis sur place, soit qui vivaient là-bas, soit qui faisaient un stage etc… j’en profitais donc pour leur rendre visite et être hébergé car outre manche, tout coûte cher. Je passais le weekend et je rentrais. Au moment de monter dans l’avion pour rentrer j’étais dégouté car je me sentais vraiment bien ici. Ce qui m’a décidé c’est tout simplement l’amour de ce pays, j’étais tout simplement « attiré », il était impossible pour moi de ne pas y passer un moment de ma vie.

-> Comment tu te sentais au moment de franchir le pas ? De l’angoisse, de la peur, du stress ? Ou au contraire, soulagement et hâte d’en découdre ?

J’ai mis pas mal de temps avant de réussir à le faire : j’avais un appart, une voiture, mes amis, un boulot que j’aimais dans le club de tennis qui m’a vu grandir et dans lequel j’étais depuis l’âge de 10ans. Mais à un moment donné, je sentais que j’avais plus le choix, il fallait que j’y aille, j’en avais besoin, ça dépassait l’envie. Le pire c’est quand j’ai posté le préavis pour mon appart. C’était devenu officiel : un mois plus tard il fallait donc que je parte. Je me rappelle le moment où j’ai lâché l’enveloppe.. Oui stressé, « oh la la, qu’est ce que je viens de faire » ?!! Dans la foulée je réservais le bateau pour traverser la manche et je mettais des annonces pour avoir des covoitureurs, car traverser la France tout seul d’Aix en Provence à Calais, je le sentais moyen.. Le jour venu, je remplissais ma voiture d’affaires et j’étais parti.

-> Pourquoi l’Angleterre ? Qu’est ce qui t’attirait dans ce pays ? T’étais où ?

Au début, l’Angleterre pour moi c’était uniquement le sport : le foot, ses ambiances monumentales et surtout ses fans : la passion des gens là-bas me faisait halluciner chaque jour, dans les stades, autour des stades et dans les pubs toujours plein les jours de match ! Mais aussi le tennis car c’est ce qui me fait vivre (j’enseigne depuis quelques années et je pratique depuis l’âge de 6 ans). Aller 2 fois à Wimbledon, le temple du tennis, m’a aussi fait adorer le pays. Puis j’ai commencé à aimer la langue et surtout l’accent, l’architecture, ce côté organisé, et même le temps !!

« Je pouvais prendre à gauche, à droite, ou aller tout droit. J’ai décidé d’aller à gauche ».

En descendant du bateau sur le territoire british avec ma voiture remplie d’habits et de matériel de tennis pour bosser, je pouvais aller n’importe où car je connaissais personne et j’avais aucun point de chute. Je pouvais prendre à gauche, à droite ou aller tout droit.. j’ai décidé d’aller à gauche. Je me suis retrouvé à Brighton, une ville sur la côte sud, pile en-dessous de Londres, à 1h de train. J’ai rencontré une amie chinoise via couchsurfing, on a voyagé ensemble 2 semaines (nord du pays + Ecosse) puis je suis revenu à Brighton me poser dans une auberge de jeunesse. J’y suis resté 9 mois.

-> Tu dis que ‘les plans n’ont pas marché’. C’était quoi les plans ? Qu’est ce qui s’est passé ?

A la base, j’étais parti pour m’installer. Je m’imaginais déjà dans ma petite maison en brique rouge, aller donner mes cours de tennis, voir plein de matches de foot et même m’acheter une mini, avec le volant à droite évidemment, sinon c’est nul (rappelez-vous de Mister Bean !). C’était donc mes plans. Sauf que voilà, je suis arrivé un peu tard dans l’année scolaire et les clubs de tennis avaient déjà recruté leurs profs, j’ai donc mis une annonce sur le site anglais de petites annonces et je donnais quelques cours dans un parc public où traînaient quelques courts de tennis. Rien de bien passionnant, je marchais 25min avec mon sac pour arriver jusqu’aux terrains, je bossais 2h par ci 2h par là. En résumé, pas de suivi d’élèves, pas de vie de club… rien ne ressemblait à une vie de prof de tennis. 6 mois plus tard, en mars, un ami en France me proposait un projet, ça a tout chamboulé, j’en parle après.

-> Au final tu y es quand même resté 9 mois, avec le recul comment tu juges cette expérience ?

Une des raisons pour laquelle j’y suis resté 9 mois, c’est parce que j’y ai rencontré des gens incroyables. Vous n’allez pas me croire, mais je suis resté 9 mois dans une auberge de jeunesse au nom de Kipps Hostel Brighton, dans un dortoir de 10 !! Le truc c’est que je suis resté toujours avec les mêmes personnes, ils étaient devenus mes amis : un espagnol, un australien, un sud-africain, un français, un anglais, 2 australiennes (dont une de 60 ans !), une française qui gérait cette auberge (c’est d’ailleurs elle à qui j’ai parlé en premier, c’est grâce à elle si je suis resté car au début j’en menais pas large..), et au bout de quelques temps on remplissait la chambre à nous seuls ! On avait tous notre boulot et on était là pour un temps indéterminé.

C’est pas du tout ce à quoi je m’attendais en venant en Angleterre mais je retiendrai la chose principale : ça m’a permis de m’ouvrir aux gens et j’en avais besoin !

J’en ai profité pendant ces 9 mois de « semi-liberté » pour aller visiter l’Irlande du nord (seul) et une partie de l’Irlande (oui ce sont 2 pays différents), une partie du Pays de Galles avec toute la bande que j’ai cité plus haut (j’avais conduit jusqu’ici ma voiture française en roulant à gauche, mais là c’était une voiture anglaise donc volant à droite + conduite à gauche, j’ai conduit tout le long !)

En résumé, une des plus grandes expériences humaine de ma vie (avec celle que je vais vous raconter tout de suite).

-> De l’Angleterre tu es passé à… l’Amérique du Sud ! Qu’est ce qui a motivé ce départ ? Tu as fait quoi là-bas ?

Donc comme je vous disais plus haut, en mars 2012, un ami aussi prof de tennis dans ma région m’a proposé de partir en voyage avec quelques petites raquettes de tennis et quelques balles, et de faire jouer les enfants dans les rues des pays défavorisés, comme ça au gré du vent.

J’étais en Angleterre depuis 6 mois donc j’avais pas l’intention de tout abandonner pour un autre projet ! Sauf qu’à force de réfléchir, j’ai fini par accepter de partir avec lui, car finalement j’avais rien construit ici.

Cette idée de départ a vite évolué puisque, durant l’été qui a suivi (je suis donc rentré d’Angleterre entre temps), nous avons créé une association humanitaire qui s’appelle ‘Tennis Sans Frontières’. Elle consiste à faire jouer au tennis les enfants du monde entier qui n’ont pas accès au sport. Nous sommes donc partis 8 mois et demi en Amérique du sud : Uruguay, Argentine, Chili, Bolivie, Pérou. Nous avons récolté des fonds pour l’assoc, puis on nous a donné plein de raquettes pour enfants, des balles, des petits filets etc.. On a pu se préparer 3 sacs de tennis de 10kg pour les envoyer par voie postale dans les structures qui allaient nous accueillir durant notre voyage : une école en Uruguay dans un quartier à risques, un orphelinat au Pérou, et en Bolivie un centre pour filles victimes de violence (sexuelles, physiques et/ou psychologiques).

Nos 3 actions consacrées aux enfants et au tennis a duré au total environ 3 mois. Le reste du temps c’était du voyage pur et dur ! Presque 8000 Km en stop et 16 couchsurfing.

-> Si j’ai bien compris, tu as traversé 5 pays en mode routard, un peu « à l’arrache » ! Tu dois avoir des tas de souvenirs et d’anecdotes à raconter. La première qui te vient à l’esprit, c’est quoi ?

L’hymne national uruguayen comme cadeau, chanté par les enfants. Une séquence tennis devant une famille de phoques (vidéo à l’appui) + un accouplement en direct ! Un couchsurfing chez un fou avec un masque à gaz. Noel dans une famille chilienne. Le jour de l’an avec une autre famille chilienne qui nous a pris en stop (on était 12 dans le fourgon). Du stop avec un marchand ambulant de fruits et légumes. Du stop en camion-poubelle. Du stop à 6. Un mec nous a donné des sous quand on est sorti de sa voiture (encore du stop).

-> Apparemment il y a un pays en particulier qui te plait bien, là-bas ! Pourquoi la Bolivie ? Qu’est ce qui fait que tu aimes ce pays au point de revenir t’y installer ?

Tout simplement parce que c’est le seul pays où tu as l’impression d’être dans un autre monde.

Mon but c’est de vivre autre chose durant une partie de ma vie. L’Uruguay, l’Argentine ou encore le Chili, ce sont des pays aussi développés qu’en Europe, donc pas très dépaysants. La Bolivie, j’y suis resté 3 mois, et jusqu’au dernier jour je me sentais toujours en voyage, j’étais constamment dépaysé, toujours autant épaté par ces gens qui bossent dur pour subvenir aux besoins familiaux, ces femmes, qui, dès le levé du soleil, sont déjà entassés au milieu de leurs oignons ou de leurs patates qu’elles vendent sur le marché. Ces femmes sont les cholitas, ce sont les femmes d’origine indienne, avec leurs longues tresses, leurs grandes robes colorées, leurs chapeaux melons et leurs bébés qu’elles portent sur le dos dans des tissus hyper colorés. Mais la Bolivie, c’est aussi des paysages hors du commun, c’est bien connu, avec le salar d’Uyuni, le lac Titicaca, l’amazonie, La Paz la capitale la plus haute du monde, la musique folklorique, les nombreux carnavals, la culture andine etc…

-> En quelques mots, comment tu décrirais La Paz ? Ses habitants ?

La Paz est unique car c’est la seule ville où les pauvres dominent les riches. Avec ses 1,5 millions d’habitants, elle se trouve dans une cuvette, et plus on monte sur les flancs, plus les quartiers sont délabrés. Et si on monte encore, on arrive sur l’altiplano (plaine d’altitude) et on découvre une autre ville aussi grande que la capitale, qui ne cesse de se développer : El Alto. Une ville où il n’y a pas un blanc. Le tourisme est totalement absent ici. En réalité, c’est là où j’ai passé 3 mois car le foyer était là, à 4150m d’altitude. L’aéroport se trouve ici, plus haut aéroport international du monde, c’est tellement haut que les avions décollent avec le réservoir à moitié plein (pas assez d’oxygène). Certaines personnes en descendant de l’avion passent immédiatement pas la case infirmerie pour cause de manque d’oxygène… Nous sommes au pied des majestueux sommets des Andes dont les cimes enneigées culminent à plus de 6000 mètres.

En-dessous, La Paz est à 3700m d’altitude. La ville est « en pente » et plus on descend, plus c’est riche, à tel point qu’on trouve des grandes villas, des clubs de tennis, de golf, d’équitation etc… Mais ça reste une cité andine où les traditions sont restées présentes. 80% de la population est d’origine indienne. Certains voyageurs diront que les boliviens ne sont pas très aimables. En effet, dans les zones touristiques, le premier contact peut être froid, mais les quelques boliviens que je connais bien, une fois que tu es entré dans leur vie, sont vraiment vraiment gentils.

-> Dernière question qui n’a rien à voir avec la choucroute, mais j’ai cru comprendre que tu utilisais beaucoup Couchsurfing. Je suis un gros fan du concept aussi ! Qu’est ce qui te plait dans ce mode de voyage ? Tu as des conseils à donner sur le couchsurfing à des gens qui aimeraient se lancer mais qui n’osent pas, en particulier en Amérique du Sud ?

Les gens qui t’accueillent sont incroyables ! En Argentine, un gars a dormi sur le canapé pour nous laisser son lit, les gens te laissent la clé de chez eux quand ils sont pas là, ils t’offrent des cadeaux en souvenir, ils te font visiter leur ville/région etc… Mais aussi ils sont fiers de te cuisiner un bon plat typique de leur pays et de te faire écouter la musique locale !

N’achetez pas de guide touristique, faites du couchsurfing, les gens connaissent tout, en même temps c’est logique ils vivent ici ! Les bonnes combines, les coins plus tranquilles etc…

J’ai vraiment hâte de recevoir des voyageurs pour rendre tout ce qu’on m’a donné en expérience.

Un grand merci à Thibaut pour cette interview passionnante !

Voici sa page Facebook pour continuer de suivre ses aventures : https://www.facebook.com/TennisSansFrontieres