Vilnius était ma dernière étape lors de mon trip à travers les pays baltes. Et comme j’avais un peu traîné en chemin, je n’ai pas eu beaucoup de temps pour la découvrir.
Voici donc le récit de mon exploration de la capitale lituanienne, en 24 heures chrono (c’est la durée de mon séjour sur place, pas du temps qu’il te faut pour lire l’article hein !).
Vendredi soir, 19H. Mon bus arrive en provenance de Kaunas. Seulement trois passagers descendent, soit l’intégralité du bus. Il fait beau et chaud. La lumière du soleil couchant colore de rouge les vieilles bâtisses soviétiques dans le quartier de la gare.
J’ai rendez-vous avec mon hôte en Couchsurfing quelque part dans le centre.
Comme dans toutes les villes baltes, des petits panneaux à destination des piétons m’aident à trouver mon chemin. J’arrive sur la place centrale de Vilnius sans me perdre ni demander ma direction. Je suis assez fier de moi.
Après quelques coups de téléphone pour se repérer, je rencontre mon hôte. Viktorija, une petite brune qui porte un marteau de Thor autour du cou. J’apprendrais plus tard qu’elle est passionnée de mythologie nordique, qu’elle enseigne le norvégien et que dans quelques jours, elle va commencer un nouveau boulot : travailler dans un musée humain déguisée en vieille femme viking. Ca promet !
Viktorija m’emmène chez elle direct. Ses potes rappliquent. On discute en grignotant du fromage lituanien pas dégueulasse. Un petit bonhomme aux cheveux lisses se prend d’amitié pour moi parce que je suis français : il est sommelier et il me parle de sa passion pour le vin. Pas de bol, je préfère une bonne bière belge. Bon, je suis sensé représenter la France alors je feins de connaître les coteaux et les millésimes dont il parle.
2 heures du matin. Les invités sont partis. Je me couche, pratiquement sans avoir adressé la parole à mon hôte. Et je n’ai toujours pas vu Vilnius.
Midi. Samedi. Viktorija m’offre le thé et des croissants remplis de confiture à la fraise. Ecoeurant. L’espace d’un instant, j’ai hâte de rentrer à Cherbourg et me faire un bon café-croissant au beurre sur les terrasses de la place du Théâtre.
Je prends mon sac, dis au revoir à Viktorija, et embrasse le premier jour de pluie de mon voyage. Vilnius, à nous deux.
Une jolie ville avec une jolie blonde :
Vilnius est probablement une très jolie ville. Sauf que sous la pluie, elle est triste.
Ses façades colorées dégoulinent de ses toits rouges comme le mascara coule des yeux d’une femme en pleure. La capuche de mon sweat est trempée. Je prends deux trois photos à la va-vite, puis, craignant pour mon appareil, je décide de m’abriter sous un monument de la place principale.
C’est là que je rencontre Ausra. Petit blonde aux yeux bleus vifs. « Tu veux voir le Vilnius à touristes ou le Vilnius qui fait peur ?« , qu’elle me demande.
« Allons y pour le Vilnius qui fait peur alors !« .
Sous la pluie, Ausra me guide. Elle parle peu. On escalade une colline par des chemins de boue, s’agrippant aux branches et aux fleurs qui ont le malheur de se trouver là. Je glisse une ou deux fois. J’ai de la terre partout sur les mollets. De là-haut, la vue sur Vilnius est superbe. La forêt possède la ville.
Ausra me montre le plus vieux cimetière de Vilnius. Une ambiance paisible et rassurante s’en dégage. Il me rappelle celui au pied de mon appartement de Göteborg, que j’avais longtemps pris pour un parc avec ses grands arbres et ses allées, avant que je ne me décide à faire un footing au beau milieu des tombes, et comprendre mon erreur.
On redescend. Au détour d’un chemin, elle prend à droite. Un grand bâtiment d’un blanc délavé se dresse devant moi. Ausra le contourne et me fait signe de la suivre. Une fenêtre éclatée, des morceaux de verre sur le sol. D’un bond, elle enjambe le bloc de béton. Je regarde autour de moi, puis je fais de même.
Usine désaffectée. Il fait sombre. Des tags partout. Des bouts de verre, des planches de bois et des morceaux de ciments jonchent le sol. On marche quasiment à l’aveuglette. Nos pas résonnent dans l’obscurité. Des crissements, des bruissements autour de nous. Je me dis qu’il doit y avoir un sacré paquet de rats, dans cette saloperie de bâtiment. Puis je détourne mes pensées avant de m’imaginer assailli par une armée de bestioles affamées.
On explore les pièces une par une. Parfois à la lueur de nos téléphones, parfois à la lumière du jour, quand un trou dans le béton nous permet de voir à quelques mètres. Sur les murs, une tête de mort. Des initiales. Un coeur. Le symbole hippie. FUCK YOU. Des seringues. Un fauteuil en cuir. Un jeu de cartes. Une désagréable odeur de pisse, de clope et de poussière.
On arrive dans une immense salle. Des tuyaux sortent de nulle part. De l’eau goutte du plafond et tombe avec fracas dans une flaque large comme une piscine olympique. Les murs de béton s’effritent, et les tags en russe se font illisibles.
Mon regard balaie la pièce. Des dizaines et des dizaines de grandes tables en bois effondrées. Sur le sol, je reconnais des machines à coudre. « On est dans une ancienne usine soviétique, ils fabriquaient des vêtements, ici, avant…« , me murmure Ausra.
Quelques heures plus tard, j’aperçois Frank Ribéry brandir la Ligue des Champions sur l’écran géant du bar. Ausra est assise face à moi. Elle me sourit. En terrasse, la pluie a cessé. On trinque.
J’ai bien aimé Vilnius.