C’est un fait : je déteste les spots touristiques. La foule de badauds le nez en l’air avec l’appareil photo autour du cou, ça m’énerve. Vraiment.
Depuis que je m’en suis aperçu, j’ai pris l’habitude de voyager en dehors des sentiers battus. Je sais que je loupe probablement des trucs sympas, mais j’évite aussi un paquet d’attrape-nigauds (hein le London Eye à Londres par exemple). Et surtout j’esquive la masse de Jean-Claude Duss venus passer leurs vacances avec tout plein d’autres Jean-Claude Duss.
Bref, comme dirait Kyan Khojandi, j’aime pas les spots touristiques.
Alors comment j’en suis arrivé à visiter Venise, et à faire de cette ville l’un de mes meilleurs souvenirs de voyage ? Voici la réponse.
C’était lors de mon roadtrip à travers l’Italie du nord (oui, vous savez, celui qui m’a fait perdre mon appareil photo à Milan et participer un concours de descente de bière avec un Munichois à Pise).
Après avoir visité Florence et Bologne, je remontais vers le nord pour retrouver les lacs et Bergame. Sur la route, je me suis dit que bon, après tout, je pouvais quand même jeter un coup d’oeil à cette ville-piscine que tout le monde adule.
Je suis donc arrivé à Venise un vendredi midi. Je m’étais donné 2 heures pour faire le tour rapide du centre, voir quelques canaux, prendre une ou deux photos, et attraper le train de l’après-midi pour Trévise.
Sauf que tout ne s’est pas déroulé comme prévu.
En sortant de la gare, j’ai marché le plus vite possible en m’éloignant du troupeau. Je voulais échapper à la foule. Je me suis rapidement retrouvé au bout d’un quai, complètement excentré. Là, je me suis posé, les pieds au dessus de l’eau, et j’ai contemplé les montagnes au loin (probablement les Alpes si ma géographie est correcte).
Un ou deux petits hors-bords glissaient devant moi. Quelques personnes sur des kayaks individuels faisaient travailler leurs biceps.
J’ai commencé à apprécier Venise.
Je me suis dit que je devais essayer d’en voir plus avant de repartir, alors au lieu de reprendre la direction de la gare, j’ai décidé de faire ce que je fais d’habitude quand j’arrive dans une nouvelle ville : me perdre. Sans carte, sans rien, j’ai marché au hasard.
Jusqu’à ce qu’un mec vienne me tirer de mes pensées.
« Hey, sorry, can you take a picture of me, please ?« , qu’il me dit, en me tendant un appareil photo.
« Sure !« .
Je lui montre mon oeuvre, il est content. Il me propose d’en prendre une de moi avec mon appareil. Ok.
A Venise, y’a pas 36 possibilités : soit tu pars dans la direction opposée de la personne que tu rencontres, soit tu pars dans la même direction qu’elle (soit tu tombes dans l’eau, mais ça c’est pas vraiment en option). Là, le gars partait dans la même direction que moi.
Il m’emboîte donc le pas, et on commence à discuter. Il s’appelle Mathias, a la petite trentaine, et vient d’Argentine. Il a 2 mois pour faire le tour de l’Europe.
On sympathise, et il me propose de se retrouver ce soir pour prendre une bière. Je ne suis pas contre rester un soir à Venise, mais rappelez-vous, je n’y ai pas de logement.
Ni une ni deux, Mathias sort son téléphone et contacte je ne sais comment une fille qui tient une chambre d’hôtes à deux pas de la place San Barnabe. En 3 minutes, j’ai une chambre de réservée pour 30€ la nuit. Pour un prix aussi attractif, j’aurais aussi pu passer par GowithOh.fr qui propose des appartements sympas dans le centre. Je file y déposer mon sac, puis je retrouve Mathias, qui avait rejoint une fille rencontrée la veille lors d’une soirée Couchsurfing.
Finalement, me voila embarqué dans une soirée avec une demi-douzaine de personnes, dont Andrea (la fille qui tient la chambre d’hôte où je loge). J’apprends qu’elle est aussi sur Couchsurfing, alors pour rire je lui propose de lui envoyer une demande d’hébergement pour ma seconde nuit à Venise. La blague ? Elle accepte ! Et m’offre de rester une nuit de plus dans la chambre sans que je ne paie quoi que ce soit en supplément ! En voila une bonne nouvelle !
J’ai donc une journée de plus pour visiter Venise, un logement gratuit, et une soirée qui s’annonce plutôt bien !
Au milieu d’une bouchée de spaghetti, je remarque qu’une des filles de la soirée me fait les yeux doux. Elle me demande de lui parler en français car elle trouve cette langue ‘so romantic’. Comme je suis un gars gentil, je m’exécute (j’avale mes spaghetti avant hein). Elle ne comprend rien mais elle boit mes paroles.
Je me dis que quitte à être ‘so romantic’, autant y aller à fond. Je lui propose de sortir se promener dans Venise de nuit. En tant que locale, elle est sensée connaître les meilleurs spots.
On s’éclipse de la soirée sur la pointe des pieds. Dehors, il fait doux. La ville est déserte. Les Jean-Claude Duss sont rentrés dans leurs hôtels, les canaux nous appartiennent.
Je suis accoudé à un pont, une jolie italienne à mon bras, sous le ciel étoilé de Venise. La pleine lune se reflète dans l’eau juste sous mes pieds. Elle m’embrasse. Ca, c’est ‘so romantic‘.
Le lendemain, elle me fait visiter tous les bons coins de la ville. Tous les endroits où les touristes ne mettent pas les pieds. Au programme : dégustation de pizza à tous les coins de rue (il y a des supers pizzerias à Venise où la part coûte moins d’1€, mais faut sortir des coins touristiques). Je ne sais pas comment elle fait, mais elle arrive à ne pas se perdre dans ce dédale de ruelles. Si l’envie lui prenait de m’abandonner là, je mettrais 10 jours à retrouver la civilisation.
Heureusement, elle n’a pas l’air de vouloir me lâcher. En fait, elle va même me proposer de rester une nuit de plus, dans son grand appartement juste derrière la Place San Margarita (oui, ils donnent même des noms de pizza à leurs places, ces italiens !). « Pour que tu aies le temps de voir tout Venise« . Tu parles 🙂
Le week-end file, entrecoupé de parts de pizzas, de gondoles, de glaces aux marrons et de discussions animées pour savoir qui de la France ou de l’Italie a donné vie aux plus grands artistes de la Renaissance. Elle essaie de me faire aimer je ne sais plus quel groupe de rock. Je me venge en lui mettant un morceau de Manowar, un groupe de heavy-metal sévèrement burné. Elle abandonne par KO. On rigole.
Arrive le lundi matin. Cette fois, je dois vraiment partir. Dehors, il pleut. Les vieux escaliers en colimaçons grincent sous mon poids. Elle ouvre la porte et fait quelques pas dehors. Je la suis. La bruine fait couler le mascara sur ses joues. Elle m’indique le chemin de la gare, m’embrasse une dernière fois et part dans la direction opposée sans se retourner.