Il y a des groupes qui ne connaîtront jamais le succès. On peut le prédire à l’avance.
Ce sont des groupes sympas, aux musiciens talentueux, qui ne perceront pas.
Pompejius est un de ceux là.
J’ai découvert ce groupe complètement par hasard. C’était un soir de juillet. Il faisait beau sur Göteborg. Je me promenais avec Nathan, mon pote américain, à la recherche d’un bar où se poser, boire des bières, et taper la discute avec de jolies suédoises.
Et puis, on a entendu du bruit, alors on est rentré.
C’était sur Andra Långgatan. Il faisait sombre dans le bar. Contraste avec les lumières vives des soirs d’été scandinave.
Pompejius jouait les premiers accords de « A Horrible Crime« .
– Ca a l’air sympa, dis-je à Nathan.
Il commande les verres, je chope une place juste sous la scène, au pied d’un gros guitariste blond.
Je remarque le style des musiciens. Ils ont la classe. Des vêtements un peu typé début du 20e siècle. Le chanteur arbore même une petite moustache, dont je n’arrive pas à déterminer si c’est du second degrès ou pas.
La violoniste est mimi comme tout. Elle rougit dès qu’elle doit faire un solo et que l’assemblée pose son regard sur elle.
Ils vivent à fond leur musique. Le gratteux ferme les yeux en jouant un riff un peu catchy. Le chanteur s’enflamme. Le batteur enchaîne les breaks derrière ses fûts.
Ils sont en transe.
Je me surprends à agiter la tête en rythme.
Nos verres se vident petit à petit.
Et puis…
« This is the last song »
Merde, j’ai pas vu le temps passer. C’était vraiment sympa !
Et alors commence un arpège de guitare. La voix douce du chanteur se pose dessus, tranquillement.
La salle retient son souffle.
L’atmosphère devient intimiste.
La batterie arrive, tranquillement. Puis le violon. C’est calme, suave, doux. Apaisant.
Le chant m’emporte ailleurs. Je rêve, je vole, je disparais.
Et puis le rythme accélère. Quelques notes éparses. Le chanteur entame une mélodie à la fois mélancolique et entêtante, bientôt reprise par tous les instruments.
On monte en puissance, le riff se fait plus violent. Les cymbales raisonnent. Les cheveux du gros guitaristes blonds s’agitent en rythme avec la musique.
Je suis ailleurs, complètement parti. Loin. J’agite la tête et je m’en rends même plus compte. Le rythme accélère encore. J’ai les yeux fermés. Je frissonne. Je jouis.
Et puis, l’explosion finale. La voix s’efface… le violon se tait… la mélodie disparaît…
J’ouvre les yeux, je reviens sur terre.
Je regarde Nathan. Je vois qu’il sourit. On s’est compris.
Pompejius est un groupe inconnu, condamné à jouer dans des bars jusqu’à la fin de son existence. Moins de 200 personnes différentes entendront leurs morceaux.
Pompejius ne percera jamais.
Pourtant, ces mecs ont écrit un chef d’oeuvre. Un morceau qui m’a filé des frissons dès que je l’ai entendu, dans ce bar de Göteborg, et qui m’en file encore ce soir, dans la chambre que je loue à Grenade, 4 mois plus tard.
Le génie peut surgir de n’importe où, en particulier quand on ne s’y attend pas.
Ce soir, les génies s’appelaient Pompejius.
PS : le morceau dont je parle s’appelle Doomsday Prophet. Vous pouvez l’écouter sur Spotify en faisant une recherche avec le nom du groupe « Pompejius« . Ca rend moins bien qu’en live, avec les mecs sous les yeux, mais c’est toujours ça !
Sinon, la vidéo du concert a été filmée par ma voisine de table (le crâne chauve derrière le verre de bière, à gauche, c’est bibi !) :